Le cout caché de la sécurité routière

Aborder le cout financier de la sécurité routières est un peu tabou.
Si le sujet est connu pour les radars : on calcule le cout d’achat et d’installation, de maintenance et d’exploitation (gendarmes etc). On le retranche des amendes payées et on tombe sur un chiffre.
Le sujet l’est beaucoup moins pour le concept général de limitation de vitesse. Il est certes gênant de calculer combien d’argent on est prêt à dépenser pour sauver des vies, et c’est la même chose en santé. Mais après tout, l’argent n’est pas illimité, alors pourquoi ne pas essayer, dans la limite de l’éthique, de maximiser l’efficacité de l’argent utilisé par l’état dans la protection de la vie?

Cout de la perte de vitesse

Les ayatollahs de la Sécurité Routière (ASR) nous disent par exemple [ref] qu’un mort sur les routes coute à la société environ 1 million d’euros. Ça semble logique, la perte d’une personne d’environ 30 ans, coute 40x 25KE.
Ce qu’on sait moins, c’est que les limites de vitesse sont établies grosso modo “de façon à ce que le risque de mort soit à un niveau tolérable”. (ref a retrouver?) Mais comment ce niveau a t-il été établi ? Mystère, aucun chiffre n’a jamais circulé.

Voici en exclusivité des calculs simples pour chiffres ces couts.
Par exemple, sur la période 2002-2004, lors de la mise en place des premiers radars, les ASR se sont vantés d’avoir fait baisser la vitesse moyenne sur autoroute de 131 à 121 kmh. Ça semble véridique aussi, ça donne des vitesses compteur de 140 et 130 environ.

Seulement, nous savons aussi qu’environ 200 milliards de km sont parcourus sur autoroute chaque année (grâce aux péages, cf ref.)
Or, si on ne peut contester que la baisse de la vitesse ait participé à la baisse du nombre d’accidents sur la période 2002-2004 (admettons la moitié de la baisse, le reste étant du à la continuelle amélioration des voitures et des routes pour 10%, et à une vigilance accrue pour 40%, car chercher des radars ça oblige à faire attention aux autres et à la route et à ne pas dormir), cette baisse a lieu quasi exclusivement sur route, pour la bonne raison que les autoroutes sont très sures.
Il y a eu 100 vies d’économisées sur autoroute. Au plan financier, 100ME.

Seulement voila.. 200 milliards de km à 131.. ça fait 1,526 milliards d’heures passés sur autoroute
Mais à 121.. ça en fait 1,653 ! soit 127 millions d’heures perdues..environ 4 heures par automobile et par an. 4h de loisirs en moins
Sur la base de la journée de solidarité, qui rapporte 2.24 milliards d’euros par an [http://www.lefigaro.fr/economie/2009/05/29/04001-20090529ARTFIG00011-la-journee-de-solidarite-rapporte-22milliards-pour-les-personnes-dependantes-.php] , converties en heures travaillées (car il y a en moyenne un travailleur par voiture), elles représentent 1.12 milliard d’euro.
autre calcul : Sur la base du smic à 8 euros net environ, çà fait 1,01 milliard.
Faites le calcul. Il faudrait 1000 vies économisés pour que ce soit financièrement rentable. Soit une baisse de plusieurs centaines de % de la mortalité sur les autoroutes. Vous comprenez là pourquoi ce calcul n’a jamais été donné.

La consommation
Pour être honnête, on me fait remarquer que baisse de vitesse implique aussi baisse de consommation. En effet en admettant une baisse de l’ordre de 5% (6.3 à 6.0 litres au 100), avec un carburant en moyenne à 1.40euros du litre (donc 0.42 euro économisé aux 100km) : 200 000 000 000 x 0.0042 = 2 milliards de “100km” x 0.42 = 840 millions d’euros

Ça laisse une facture finale de “seulement” 1120 – 840 – 100 = 180 millions d’euros.
Le fait que les totaux “+” et “-” ne sont pas si différents de ça, laissent à penser qu’il est impossible d’évaluer le cout exact du temps perdu, car pour être complet il faudrait compter :
– des gains sur (besoin de voitures moins puissantes, besoin de moins de raffineries, moins de blessés, moins de réfection des routes)
– des pertes sur (génération de bouchons car plus de voitures sur les tronçons, fatigue accrue par un trajet plus long)

Ce qui est sur c’est que même si le cout était nul, les ASR on réussi leur œuvre de régrès : on a troqué du temps contre une économie de carburant et de quelques vies, alors que depuis plusieurs siècles l’homme cherche à se déplacer plus vite.
La bonne réflexion n’est donc pas “comment faire baisser les vitesses jusqu’à une moyenne où les risques sont acceptables” mais “comment faire baisser les risques afin de pouvoir augmenter les vitesses”.
On touche là aux limites de l’humain. Rouler à 50 en ville est déjà dangereux [ref] : une collision avec un piéton a de fortes chances de le tuer; rouler à 150 sur autoroute implique un fort angle mort, une vigilance accrue, et toute collision est fatale
Et après tout, même si les ASR utilisent cela pour leur propagande, plus on roule vite, plus 10km/h de plus font gagner moins de temps..(le temps gagné étant proportionnel à 1/v).
Il serait ainsi plus intéressant de pouvoir rouler en ville à 100 (sans risque), qu’à 200 sur autoroute…

Les VRAIES solutions

D’où plusieurs pistes :
– séparer au maximum le trafic rapide des piétons : via des routes en souterrain ou en aérien (voire sur des astronefs)
– automatiser au maximum la conduite des voitures pour éviter les influences humaines : énervement, queues de poissons, accélération ou freinage trop brusque.
– développer le covoiturage
– renforcer encore et toujours la sécurité des autos
L’avenir de la conduite passe assurément par une “perte de contrôle” de l’homme sur les voitures. Certains extrémistes diront que l’on détruit le plaisir de conduire. Ils sont similaires à ceux qui en 1900 ont surement du crier à la perte du “plaisir de chevaucher”. Ils n’ont qu’à aller sur des circuits, ou des ranchs, pour retrouver leur plaisir “volé” qui a enlevé une contrainte pesante pour 95% des gens

La vraie révolution, avant le développement de mini hélicoptères personnels ou familiaux à bas cout, est donc la voiture intelligente. Ce jour là, on pourra rouler à 40km/h vitesse fixe en ville (réduisant drastiquement le risque de mort de piéton et en même temps augmentant la vitesse réelle par l’abolition des feux rouges et des embouteillages) et 100 à 200 km/h hors des villes en fonction du type de route

Et pour ceux qui pourraient être choqués par le fait qu’on a valorisé une vie à un million d’euros : combien coute une opération chirurgicale d’urgence pour sauver quelqu’un ? beaucoup moins. Combien ça couterait pour diminuer le nombre d’accidents de la vie courante, qui font 20 000 morts par an ?

Surement bien moins qu’un million par vie gagnée. Or, une vie est une vie, et à ce prix là, en période d’économies, quoi de plus naturel que de sauver les vies qui sont faciles à sauver ou les moins chères à sauver ?

Pensez-y.

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