En 2012/2013, une crise interne a secoué l’Institut du Bon Pasteur. Fondé en 2005 par l’abbé Laguérie, l’IBP se voulait comme une sorte de “voie médiane”, et aussi une porte de sortie personnelle car il venait d’être exclu de la FSSPX (pour avoir soutenu des accords avec le pape) et que le cardinal Hoyos lui avait proposé de fonder un institut à lui.
La spécificité de cette “voie médiane” reposait sur le raisonnement suivant :
- La FSSPX a raison de critiquer Vatican 2, mais ils le font depuis les marges de l’Église (voire depuis l’extérieur dans la tête de beaucoup de conciliaires). Il y a des dérives que l’IBP trouve schismatiques
- La FSSP est fidèle au pape mais ne critique plus Vatican 2
L’IBP a donc été conçu avec dans ses statuts, c’est écrit noir sur blanc, un rite “exclusif” et “propre” qui est le rite tridentin, et le droit à une “critique constructive” (ce sont les termes) du concile Vatican 2.
Lors d’une visite de contrôle de la commission Ecclesia Dei en 2012, celle-ci a demandé que le mot “exclusif” soit supprimé des statuts. On sait depuis des années que Rome procède toujours ainsi, par toutes petites touches, afin qu’elles paraissent des “accommodements raisonnables” comme disent nos cousins Québécois.
L’ensemble du fil sur le ForumCatholique permet d’avoir des compléments d’information.
On peut gloser pendant des siècles, comme le fait l’abbé Laguérie, que c’est juste des mots dans une constitution et que dans la pratique cela ne changera rien et qu’il ne cédera rien sur la concélébration de la nouvelle messe. Il sous-entend que l’abbé Perrel a monté les séminaristes contre lui, même ceux qui auraient aimé être biritualistes. Mais c’est très représentatif du moment, une époque où Rome essayait aussi de faire un accord avec la FSSPX en les arnaquant par le même genre de jeu de mots (reconnaître des licéités, des validités, l’esprit de la tradition à la lumière du concile, etc). Par la Grâce de Dieu, Rome a échoué avec la FSSPX, mais la similitude de manœuvre montre bien que Rome aime utiliser les mots à son profit.
Quelques prêtres ont farouchement refusé cette suppression du mot “exclusif” et fait de la bronca interne. Lors du chapitre de juillet 2012, l’abbé Laguérie et son opposant, l’abbé Perrel, se sont retrouvés à égalité à 6 voix. Cependant, à lire les comptes rendus des échanges, il est clair que l’aspect théologique n’était pas le seul, il y avait aussi des querelles de personne. (On peut en lire plus sur le blog “Disputationes Theologicae” de l’abbé Carusi)
Le chapitre se rend compte qu’un vote à distance qui est passé par les mains de l’abbé Laguérie est louche. Il décide de revoter (lors du premier vote, l’abbé Laguérie gagnait selon le privilège de l’âge) et l’abbé Perrel est alors élu par 8 voix sur 9. Légal ou pas, je ne sais pas, tout traîne jusque mi 2013 où Rome décide que l’abbé Laguérie a été élu.
Examinons un instant ce qu’il est advenu des protagonistes depuis :
- L’IBP réussit pour le moment à rester “au milieu” de la FSSPX et de la FSSP, mais en ne critiquant plus, dans la pratique, le concile et les erreurs modernes. Comme prévu donc, mais au moins ils semblent mieux résister sur la messe que la FSSP (ils ne concélèbrent pas)
- L’abbé Carusi cherche toujours une “vraie 3ème voie”. Avec ses compères, l’abbé Numa notamment, il critique toujours tout le monde. Il a fondé la “Communauté Saint Grégoire le Grand” (ACSGG basé à Camerino, Italie). On voit bien le moteur idéologique de cette sorte “d’extrême centre” : selon son article, la FSSPX est quasi-schismatique et en même temps obtient des concessions unilatérales de Rome donc c’est louche; la FSSP ne critique plus rien et participe à des célébrations diocésaines avec des protestants. L’IBP serait dans une posture “schizophrénique” et noyautée par les libéraux. Seul lui bien entendu a trouvé le graal du juste milieu. (petit point marrant : un abbé ayant rejoint l’ACSGG depuis l’IBP, dit que l’IBP a utilisé l’arme de l’instrumentalisation de l’absolution.. cela rappellera de mauvais souvenirs aux “résistants” qui ont quitté la FSSPX vers la même époque)
- Quand à l’abbé Roch Perrel, il a rejoint la FSSP.. et il fait peut-être partie des prêtres de la FSSP expulsés de Dijon. Ah ah ah.. Donc il a rejoint un groupe “moins résistant au concile” que l’IBP alors qu’il voulait que l’IBP reste “plus résistant”… et suite à sa trahison, il se retrouve toujours mal vu par le diocèse.
Comme on le voit, la Fraternité Saint Pie-X, malgré ses difficultés, reste un roc pour la tradition. Quand on s’en écarte, soi-disant pour faire mieux, on a beaucoup de mal à continuer le combat de manière aussi efficace, que ce soit en tant que prêtre ou que fidèle.
Il est symptomatique que les prêtres qui ont fait une révolte interne à l’IBP, n’aient pas rejoint la FSSPX. Cela prouve que mentalement, leur raisonnement en rejoignant ces communautés est “je veux dire la messe traditionnelle – voire je veux rester à la vraie doctrine pré-conciliaire – mais ma ligne rouge est de ne jamais rejoindre la FSSPX”. Il est clair que François sait cela et que donc, en expulsant la FSSP des diocèses, il va avoir très peu de résistance (résister à l’évêque, c’est être dans une posture anti-autorité comme la FSSPX, donc la mentalité FSSP le rend impossible par nature).
A l’automne 2021, je prédis que la mise en œuvre pratique du motu proprio “Traditionis Custodes” de juillet 2021, va être un chantage : “soit vous restez mais uniquement pour la messe du Dimanche. Soit vous pouvez avoir un ministère plus large mais dans ce cas vous devez obligatoirement collaborer avec les prêtres de la paroisse et accepter que des/les sacrements de baptême, mariage, … ainsi que la catéchisme… soit faits par le prêtre conciliaire qui dirige la paroisse. Prouvez-nous que vous êtes attachés à l’Église, c’est à dire au concile. Le piège se referme.
La difficulté de la FSSPX a avoir des lieux de culte a été notre bouée : elle nous a permis de développer une infrastructure forte de prieurés, lieux de messe, écoles, … que la FSSP et les autres groupes ralliés n’ont pas. Cela nous rend forts.