Pour un catholique pratiquant qui va à la messe en latin depuis son enfance, le latin d’Église est forcément LA prononciation du latin. En tout cas, pour ma part, ayant appris le latin à partir de la 6ème avec cette prononciation. Pourtant, en vieillissant, et comme la latin “reconstitué” est enseigné dans les écoles publiques et privées sous contrat, j’ai voulu vérifier qui avait “raison”. Il y a en effet des prononciations qui m’ont toujours semblé débiles en latin “reconstitué”. Les principales différentes sont pour rappel les suivante entre le “Latin d’Église” et le “Latin reconstitué” :
- Le v se prononce “w” en reconstitué au lieu de “v” : exemple “winea” pour le mot vinea. Après tout, le mot “wine” en anglais accrédite cette thèse, et pour le coup, comme u/v s’écrivaient pareil en latin, cela est logique
- Tous les c se prononcent “k” en reconstitué : par exemple “kenntourioness” pour le mot centuriones, et non “cenntourioness” ou “tchentourionness”. C’est surtout ce “c du” qui me semblait débile étant donné que dans les langues latin modernes, que ce soit en français ou en italien, voire en espagnol, les “c mou” et les “tch” sont les prononciations courantes.
Pourtant, j’ai été étonné de découvrir que c’est bien le latin reconstitué qui a raison sur la prononciation de l’époque romaine. Bien sûr, il n’y a pas eu une seule prononciation au cours des âges et des lieux, mais disons que c’est une prononciation de référence à Rome au 1er siècle.
Deux liens permettent pour les intéressés de glaner plus d’informations :
- https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Latin_ecclésiastique
- Et surtout le site d’un professeur de latin “Enseignement Latin” (il est visiblement athée mais reconnaît l’existence historique de Jésus)
Les exemples historiques donnés sont probants (notamment le centuriones qui est translittéré en grec en “kentouriones”).
Le plus étrange pour moi a été de me rendre que ce sujet était balayé d’un revers de la main lorsque j’étais petit dans mon école hors contrat, alors que cela faisait déjà 30 ans que toutes les écoles de France étaient passées au “latin reconstitué”. Bien sûr, chacun a le droit de prononcer le latin comme il veut. Il y a d’abord un respect de l’œuvre (l’opéra renaissance en latin est à chanter en latin gallican, la messe en latin d’Église, etc.) et puis il y a les habitudes et les préférences de chacun. Mais on ne peut pas juste dire “ah encore ces modernes qui croient tout redécouvrir” alors que pour le coup, cette prononciation est prouvée. En fait, j’ai appris à cette occasion que avant 1900 voire 1930, il n’y avait qu’une seule et unique prononciation du latin, en France, que ce soit à l’école publique ou à la messe : le “latin gallican”. A très peu de chose près, il consistait à prononcer le latin à l’occitane, c’est à dire en découpant les diphtongues mais en prononçant les lettres à la française, y compris là où c’est complètement idiot comme les J ! donc “Jésusse Christuss” par exemple pour notre Seigneur Jésus Christ. Une différence notable était le “um” prononcé “omme” Vers les années 1900, l’Église a “mondialisé” la prononciation du latin, notamment en réaction à la sécularisation des différents pays, et a imposé la “prononciation à l’Italienne” partout dans le monde. La prononciation gallicane était simplement la conséquence de plusieurs siècles de déformation de la prononciation du latin en France, jusqu’à ce qu’elle se fonde quasiment avec la prononciation du français. Les exemples donnés dans les liens sont édifiants, on comprends ainsi pourquoi les mots “album” ou “bébé cadum” se prononcent encore ainsi de nos jours, car il s’agit d’une prononciation gallicane qui a survécu.
De même la prononciation à l’Italienne est celle qui est le fruit de plusieurs siècles d’évolutions de la prononciation du latin en Italie, Si elle est restée plus proche de la prononciation originelle, elle a néanmoins ses fautes, comme le v prononcé v, ce qui n’a aucun sens historique !
Parallèlement mais un peu plus tard, la prononciation “reconstituée” s’est imposée dans les écoles, disons en gros entre les années 1930 et 1960. Ainsi et pour conclure, lorsque mon me disait en école hors contrat que les prononciations reconstituées étaient du moderne, en fait on se trompait lourdement, car la prononciation à l’italienne avait tout au plus un demi siècle d’antériorité supplémentaire !