Texte tiré de Bossuet, pour Noël. IXe élévation. Le gras est de notre part
Après que les mages se furent soumis aux prêtres et aux docteurs et se furent mis en chemin selon leur précepte, l’étoile parait de nouveau et les mène où était l enfant. Fut-ce à l étable ou à la crèche ? Joseph et Marie y laissèrent ils l’enfant : et ne songèrent ils point, ou bien ne purent-ils point pourvoir à un logement plus commode ?
Contentons-nous des paroles de l’Évangile : “L’étoile s’arrêta sur le lieu où était l’enfant”. Sans doute, ou dans le lieu de sa naissance, ou auprès, puisque c’était là qu on les avait adressés : et on doit croire que ce fut à Bethléem même, afin que ces pieux adorateurs vissent l’accomplissement de la prophétie qu on leur avait enseignée. Quoi qu’il en soit, Ils l’adorèrent, et lui firent leurs présents.
Faisons les nôtres à leur exemple, et que ces présents soient magnifiques. Les mages offrirent avec abondance, et de l’or, et les parfums les plus exquis, c’est à dire l’encens et la myrrhe. Recevons l’interprétation des saints docteurs et que l’Église approuve. On lui donne
- de l’or comme à un roi
- l’encens honore sa divinité
- et la myrrhe son humanité et sa sépulture parce que c était le parfum dont on embaumait les morts
L’or que nous devons offrir à Jésus-Christ, c’est un amour pur ; une ardente charité qui est cet or appelé dans l’Apocalypse l’or purifié par le feu qu’il faut acheter de Jésus-Christ. Comment est ce qu’on achète l’amour ? Par l’amour même : en aimant, on apprend à mieux aimer en aimant le prochain et en lui faisant du bien on apprend à aimer Dieu, et c’est à ce prix qu’on achète son amour. Mais c’est lui qui commence en nous cet amour qui va sans cesse s’épurant au feu des afflictions par la patience. Je vous conseille, dit Jésus Christ, d’acheter de moi cet or. Obtenez le par vos prières, n’épargnez aucun travail pour l’acquérir
Joignez-y l’encens. Qu’est-ce que l’encens du chrétien ? L’encens est quelque chose qui s’exhale, qui n’a son effet qu’en se perdant. Exhalons-nous devant Dieu en pure perte de nous mêmes ; puisque celui qui perd son âme la gagne. Celui qui renonce à soi même celui qui s oublie qui se consume lui même devant Dieu est celui qui lui offre de l encens Épanchons nos cœurs devant lui offrons lui de saintes prières qui montent au ciel tout ensemble qui se dilatent dans l air et qui édifient toute l Église Disons avec David J ai en moi mon oraison au Dieu de ma vies j ai en moi l encens que je lui offrirai et l agréable parfum qui pénétrera jusqu à lui
Ce n est rien si nous n’y ajoutons encore la myrrhe ; c’est à dire, un doux souvenir de la passion et de la sépulture du Sauveur : ensevelis avec lui comme dit saint Paul. Car sans sa mort, il n’y a point d’oblation sainte, il n y a point de vertu ni de bon exemple. Après avoir offert ces présents à Dieu, croirons-nous être quittes envers lui ? non, puisqu’au contraire en lui donnant ce que nous lui devons, nous contractons une nouvelle dette. Nous vous donnons, disait David, parmi ces riches offrandes, ce que nous avons reçu de votre main. Combien plus avons nous reçu de sa main cet or de la charité, cet encens intérieur de notre cœur épanché dans la prière, cette pieuse et tendre méditation de la passion et de la mort de Jésus Christ. Je le reconnais, ô Sauveur, plus je vous offre, plus je vous suis redevable ; tout mon bien est à vous et sans en avoir besoin vous agréez ce que je vous donne, à cause que c’est vous même qui me l’avez premièrement donné et que rien n’est agréable à vos yeux que ce qui porte votre marque et qui vient de vous.
Mais que donnerons nous encore à Jésus Christ ? Le mépris des biens de la terre. Que les mages sortirent contents de trouver le Roi des Juifs qu’ils étaient venus chercher de si loin que l’étoile que la prophétie leur avait montré de le trouver dis je ou dans son étable ou dans un lieu toujours pauvre, sans faste, sans appareil. Qu’ils retournèrent contents de l’usage qu’ils avaient fait de leurs richesses en les lui offrant. Offrons lui tout dans ses pauvres : la partie que nous leur donnons de nos biens est la seule qui nous demeure, et par celle-là que nous quittons, nous devons apprendre à nous dégoûter, à nous détacher de l’autre