Test Unitaire : tu aurais été rallié ?
Les informaticiens le savent, mais pour les autres : un test unitaire, c’est un test de qualité de code informatique qu’on relance avant chaque livraison pour vérifier si un petit ensemble de code est resté valide suite à nos dernières modifications.
D’un point de vue religieux, le « test unitaire 1988 » serait donc un peu l’alpha du traditionaliste : vérifier que ses prises de positions sont cohérentes avec son choix de courant
Or, suite à mon article précédent sur les messes des « ralliés », une voix fictive dans ma tête m’a dit : mais en fait, un petit sédévac pourrait vite te répondre : avec ton raisonnement sur la messe, toi, en 1988, si tu avais été adulte, tu aurais suivi les ralliés. En fait tu es devenu très libéral sans le savoir. La raison ? Puisque tu dis que la hiérarchie de l’Eglise ne peut pas être déclarée hérétique officiellement, alors c’était le cas en 1988. Et donc il ne fallait pas s’en séparer, il fallait suivre les ralliés.
Pourquoi c’est faux ?
A première vue, comme souvent avec les sédévacs, le raisonnement est logique et séduisant. Il est pourtant faux, et voilà pourquoi :
- Lorsque nous choisissons d’aller à une messe « ralliée » plutôt que de rester chez soi, c’est un acte prudentiel : ma vie éternelle n’est pas mise en jeu par ma présence à une seule messe (d’ailleurs c’est reconnu par l’abbé Mérel dans son texte car il dit bien qu’on peut si on est obligé (sous-entendu pour un mariage ou un décès) assister à une messe de rallié à condition de marquer sa désapprobation par exemple en n’allant pas communier : donc ce n’est pas l’assistance qu’il condamne, mais l’approbation tacite de la hiérarchie de l’Église). Nous ne sommes pas d’accord sur la conclusion de son article, mais nous sommes bien d’accords sur le fait qu’on n’est pas en train de parler de péché mortel si on y assiste (enfin j’espère. Pour les sédévacs, ils pourraient aller plus loin et dire qu’on a obligation de ne pas y assister, comme si c’était un culte païen, mais passons)
- Mais lorsque nous choisissons un camp ou l’autre en 1988, cela a deux impacts :
- Nous choisissons à quelle famille de prêtre nous allons faire confiance pendant des années pour prendre soin de nos âmes
- Nous faisons nôtres pour toujours, les contraintes qui ont été données aux prêtres pour se rallier
Or, en 1988, quel était le problème ?
Il n’était pas, comme pourrait le dire un abbé Mérel ou un sédévac, de savoir si l’on soutenait une hiérarchie corrompue / dangereuse / hérétique (rayez les mots qui vous conviennent)
Mais il était de savoir si nous faisons un acte de foi, pour notre vie, envers le vrai Dieu ou envers une nouvelle religion.
On ne peut pas mettre sur le même plan l’assistance à une messe une fois, et un choix qui engage une vie entière. Ce serait une imposture intellectuelle.
Revenons sur ces deux phrases, importantes pour notre raisonnement.
S’agit-il de savoir si on soutient la mauvaise hiérarchie ?
A ce point, nous avons déjà répondu dans l’article précédente sur la messe ralliée. Si on pense que c’est là le point central, alors on peut faire le raisonnement « il ne faut pas aller avec les ralliés, car ils soutiennent une Rome hérétique ». Nous l’avons vu, ce n’est pas notre raisonnement.
Je vais le répéter : un tradi pouvait aller à une messe de l’abbé Sire en 1996, pourtant prêtre diocésain « géré » (ou plutôt mis au ban) par son évêque. Je vais faire une petite parenthèse d’ailleurs qui illustre bien comment les sédévacs et les modernistes sont d’accords : tous deux pensent que ce problème de hiérarchie est le plus important. Je ne sais plus les dates exactes, mais pendant plusieurs années vers 2008-2009, l’abbé Sire a reçu l’autorisation de son évêque de dire la messe traditionnelle sur l’ile de Ré, dans une église « officielle ». En effet, le motu proprio de 2007 était passé par là, et un groupe de fidèle avait demandé à être desservi par M. L’abbé. En gros, le sous-entendu de l’évêque était : c’est d’accord, car il ne fait pas partie de la FSSPX. Dès lors qu’il s’est rendu compte que de temps à autre, un prêtre de la FSSPX était venu remplacer l’abbé Sire pour dire cette messe, les relations ont tourné au vinaigre et la messe sur l’ile de Ré a été supprimée. Ce qui posait problème, c’était qu’un prêtre « non soumis au pape » soit venu dire la messe. C’est une vision très légaliste de la crise de l’Eglise : pour eux, il y a une Eglise officielle, une Eglise traditionaliste autoproclamée, et le problème est là.
Pour nous, le problème comme le disait Madiran en 1969, c’est : « rendez-nous l’écriture sainte, le catéchisme et la messe ». C’est un problème théologique, un problème de foi. Qu’un prêtre soit d’un côté ou de l’autre de la barrière et des hiérarchies, c’est un détail ; ce qui compte, c’est la foi.
S’agit-il d’un acte de foi ?
La phrase précédente fait le lien : oui, pour nous, le nœud du problème, c’est la foi. Nous voulons garder la foi de toujours (et ce qui en découle : messe, sacrements, catéchismes, textes ou traductions liturgiques fidèles au texte de toujours).
Or en 1988, le « ralliement » ne s’est pas fait simplement sur un critère d’obéissance hiérarchique : les St Pierre ont dû reconnaitre la validité ET la licéité de la nouvelle messe. C’est ce 2ème point, la licéité, sur lequel nous ne sommes pas d’accords. Ils ont donc du officiellement adhérer, de manière détournée mais tout de même, à toutes les erreurs de Vatican 2. Ils ont fait ce choix « pour toujours », pour leur vie entière d’homme consacré. Nous ne pouvons pas aller régulièrement à une messe où les prêtres ont été forcés à cela, car cela reviendrait à l’accepter nous aussi, en toute logique.
Digression sur la messe moderne et la messe “ralliée”
Mais de la même manière qu’une bouteille d’eau un peu croupie ne se refuse pas en plein désert, une messe traditionnelle St Pierre ne se refuse pas non plus dans le désert de la crise de l’Église. Par contre, si je puis m’exprimer ainsi, nous devons refuser le « coca-cola » de la nouvelle messe, car même si sa bouteille est propre et intacte, ce n’est pas l’eau pure. C’est certes toujours une boisson (= une messe valide) mais elle va très probablement nous rendre malades. Mais là encore, pour l’assistance sur un dimanche où nous n’aurions rien d’autre, c’est une question prudentielle.
Autant pour l’eau un peu sale, à mon sens, il ne faut pas s’en passer. Autant pour le « coca de la nouvelle messe », les avis divergent. Personnellement, je pense qu’il faut s’en tenir à ce que disait Mgr Lefebvre lui-même en parlant de l’assistance à une nouvelle messe pour un mariage ou autre : il faut y aller, en prenant soin de lire la vraie messe (tridentine) dans son missel, et bien sûr ne participer à aucun sacrilège (je pense à la communion dans la main) ni aucune participation active à l’hérésie (lire une lecture au pupitre ou chanter des chants modernistes). Mais je comprendrais qu’on me dise qu’il ne faut pas y aller.
Maintenant, le cas n’est pas censé arriver : à part quelques cas exceptionnels, il n’y a aucune raison de se retrouver à un endroit où il n’y a pas de messe traditionnelle. Par cas exceptionnels, je pense à des choses (à vérifier avec son confesseur avant de toute façon) comme :
- Je vois aller visiter des parents ou des gens envers lesquels j’ai un devoir (parrain malade, etc.), et cela va m’obliger à aller à un endroit qui est à 2h de trajet de la messe traditionnelle
- Cela m’arrive de façon non souhaitée : voiture qui tombe en panne, maladie m’empêchant de me déplacer plus de x minutes, etc.
Donc l’assistance à une messe moderne est quelque chose de tout à fait prudentiel à voir avec son confesseur.
J’ai parlé longuement des messes ralliées, mais il en va de même des règles prudentielles dans l’autre sens : pour moi, il ne faut pas aller régulièrement à une messe sédévac, mais pareillement, si un dimanche on a « que ça » (ça parait très improbable vu les statistiques de lieux de messe, mais admettons), et bien il faut y aller.
Commet-on un péché véniel si on se met dans une situation (voyage, horaire, …) qui nous oblige à aller à une messe « ralliée » : oui c’est très probable, mais ce serait un encore plus grand péché (à mon avis mortel, c’est là le désaccord avec M. l’abbé Mérel) de n’aller à aucune messe.
On voit bien que toutes ces règles d’assistance à l’une ou l’autre messe un dimanche, sont des règles de prudence en un temps de crise, des choses qu’on ne peut pas définir de manière mathématique en tout temps et en tout lieu.
En 1988 : notre foi est engagée, il faut choisir le martyre
Pour en revenir à notre point de la foi, il en va autrement de 1988 : il y a là un choix qui engage notre vie à faire, et un choix de profession publique de la foi. Mgr Lefebvre en 1988 subit un martyre spirituel.
Il ne vient pas en disant au pape : « j’ai envie d’être excommunié ». Il dit « j’ai besoin de sacrer des évêques pour faire perdurer la foi que j’ai reçue ». Le pape lui répond « je refuse et si vous le faites, je vous excommunie ». C’est différent : Mgr Lefebvre n’avait pas un problème de hiérarchie, il avait un problème de foi.
Comme du temps des premiers chrétiens, la proposition de Rome était alléchante : signez un accord, reconnaissez notre autorité. D’accord dit Mgr Lefebvre, pas de problème. Ah, mais j’avais oublié de vous dire, vous devez aussi indiquer que vous adhérez à tout Vatican 2 ! Allez, même si ce n’est pas 100% vrai au fond de vous, faites-le, pour l’unité de l’Église, pour éviter un scandale et l’excommunication…
Les Romains des premiers siècles disaient pareil aux chrétiens : allez, juste quelques grains d’encens devant nos dieux à nous, ça ne vous empêchera pas de prier votre Dieu à côté. Si vous ne le faites pas, nous dirons que vous êtes des séditieux qui cherchez à troubler la paix.
Remarquez là aussi le parallèle : la punition, c’est la mort, la mort religieuse ou la mort physique.
La cause de cette mort, c’est la désobéissance, et non pas la foi : désobéissance à l’empereur, ou au pape.
Mgr Lefebvre a subi ce martyre spirituel pour garder la foi. Nous aussi en 1988, devons choisir notre camp en fonction de la foi.
L’importance du contexte, comme pour les accords
Bien sûr, tout cela est lié au contexte. C’est la même chose pour les accords : en 1988, Mgr Lefebvre a failli se faire avoir. Du coup il a dit à la fraternité : je pense que tant que Rome ne sera pas revenu à la vraie foi, s’ils tentent de faire des accords, ils essayeront aussi de vous arnaquer. Donc, ne faites pas d’accord purement pratique. La FSSPX a considéré que cette question de prudence avait évolué et qu’on pouvait discuter avec Benoit XVI. C’était probablement une erreur, mais on ne peut pas leur en vouloir.
Contrairement à ce que disent les « Résistants », il ne s’est jamais agi d’une position de principe de Mgr Lefebvre, urbi et orbi, contre des accords purement pratiques : c’était sa vision prudentielle. Voilà pourquoi ceux qui disent « il aurait fallu refuser toute discussion et attendre comme demandé par Mgr Lefebvre, que Rome se convertisse », se trompent lourdement. Mais bien sûr, la recherche d’accord pratique a été et est toujours une erreur, dans la mesure où Rome cherche toujours à nous arnaquer. Il aurait donc fallu interrompre les discussions à partir du moment où Rome exprimait sa volonté de nous faire signer une phrase sur la foi ambiguë de type « plus petit dénominateur commun ».
Il est donc possible que le contexte change. Il est possible que dans 10 ans, la situation de l’Église ait évolué positivement, et que de nombreux jeunes prêtres diocésains disent la messe traditionnelle de façon sincère ; et que nous disions « vous pouvez aller dans ces paroisses si la foi y est revenue ».
Il est possible aussi que les St Pierre se mettent à être des prêtres bi ritualistes et qu’y trouver de bonnes messes soit de plus en plus difficile.
Il est possible que l’Église officielle se mette à dire beaucoup d’âneries (par exemple à autoriser officiellement la communion des divorcés remariés, les femmes diacres, et les mariages homo à l’église, etc.). Auquel cas, assister simplement à une messe moderne pourrait être sacrilège, nous pourrions dire qu’il faut absolument éviter cette messe le dimanche si l’on n’a rien d’autre, ou même pour un mariage.
On le voit, tout cela se fait et se fera à la lumière des positions des uns et des autres sur la FOI, et non sur leur appartenance officielle à telle ou telle communauté, ou leur soumission au pape.