Sur le site sédévacantiste “Cristiada Tradicinalista“, un article de M. l’abbé Mérel (prêtre de la Fraternité Saint Pie-X), écrit à l’été 2009, est reproduit et commenté. Il y a ajoutent notamment leur fiel discret ” et nous pensons qu’elles s’appliquent à la FSSPX qui se rattache désormais par le biais des sacrements à l’Église conciliaire.“
Or, que dit cet article de 2008 ? Pour l’hyper résumer, il se base sur un sophisme inhabituel : au lieu de disserter pour savoir si le pape est pape (sujet favori des sédévacs), et au lieu de partir de la valeur de l’assistance à la messe, l’article choisit l’angle de la soumission à la hiérarchie de l’Église. Le sophisme est le suivant :
- L’Église catholique est “occupée” par une nouvelle hiérarchie hérétique
- Tout prêtre qui montre sa soumission à des modernistes “trahit les âmes” et ” n’est pas en ordre avec le bon Dieu” (et pour paraphraser le reste de la démonstration, il met la foi en danger)
- Or, “on ne peut jamais déplaire à Dieu” et donc on ne peut jamais assister [volontairement] à une messe de “rallié”
Cette pseudo démonstration est outrageusement faible sur le plan philosophique. La plupart des tradis sont d’accord avec la mineure, même les St Pierre. Sur la majeure, on peut être d’accord ou pas, mais cela reste logique : à partir du moment où un prêtre accepte une hiérarchie, et que cette hiérarchie promeut des hérésies, on les promeut au moins indirectement.
Par contre le passage à la conclusion est d’une faiblesse évidente : l’article a passé des lignes et des lignes sur les mineures et majeures. Mais très peu sur les causes de sa conclusion
Les arguments
En gros le passage à la conclusion se fait via deux arguments : les modernistes ne disent pas que notre messe est mauvaise, ils disent de ne pas y assister car nous ne sommes pas soumis à la hiérarchie de l’Église, donc nous disons la même chose vis à vis d’eux.
C’est un très bon argument du genre “œil pour œil dent pour dent” pour une cour de récré, mais ce n’est pas sérieux pour guider la vie spirituelle.
L’autre argument est : le prêtre n’est pas en ordre avec le bon Dieu, donc assister à sa messe déplait à Dieu, et on ne peut pas déplaire à Dieu.
Cet “argument” contient plusieurs erreurs :
- Il confond l’assistance habituelle et l’assistance ponctuelle. Bien sur que dans le cas parfait (si on a le choix d’aller à une messe dite par un prêtre qui désapprouve formellement les hérésies), il ne faut pas habituellement aller à une messe “ralliée”, ce serait un péché
- Mais ce n’est pas parce qu’un prêtre n’est pas parfait, n’est pas en ordre avec le bon Dieu et risque de nous dévier de la vraie foi, qu’on ne peut pas aller de manière ponctuelle à sa messe. En morale, la fin ne justifie pas les moyens, et on ne peut pas faire un acte mauvais pour en tirer un bien. Mais, soyons sérieux, est-ce que la tirade sur le rhum qui peut faire du mal et doit être consommé avec modération, peut s’appliquer à la messe ? Bien sur que non !!! Certes, les grâces distribuées par une messe dépendent de la sainteté d’un prêtre. Et donc, les grâces reçues d’une messe ralliée seront statistiquement plus faibles que celles d’une messe d’un prêtre non rallié. Mais de là à dire qu’il s’agit d’une messe mauvaise qui déplait à Dieu, il y a là un sophisme énorme.
Nos réponses
Nous allons le montrer avec quelques exemples :
- L’article dit que si on est obligé d’assister à une messe ralliée (sous-entendu pour un mariage par exemple), il ne faut pas communier, pour montrer sa désapprobation du pape. C’est idiot. Autant la messe passe par un intermédiaire, le prêtre, figure du Christ. Autant la réception de l’eucharistie est un acte direct entre le Christ et celui qui reçoit. Pourquoi donc se priver des grâces liées à une communion ? La seule raison valable serait qu’il y ait un scandale. C’est cela qui fait par exemple que même si une messe orthodoxe est valide, on ne peut pas y communier, car ils sont hérétiques. La différence ici c’est que les orthodoxes sont excommuniés depuis bientôt 10 siècles. Le pape et la hiérarchie actuelle n’ont jamais été excommuniés. Même si nous savons pertinemment qu’ils sont hérétiques, nous n’avons pas cette possibilité de les excommunier, ce serait nous arroger un droit qui ne revient qu’à l’Église, et donc cela reviendrait à fonder une Église parallèle qui juge l’Église officielle. C’est là la différence entre Mgr Lefebvre et les sédavacs : Mgr Lefebvre pensait probablement que les sédévacs avaient raison et que “le pape n’était plus pape”. Mais il ne s’est jamais arrogé le droit de le proclamer publiquement, car cela serait réellement un schisme.
- Et donc, il n’y pas de scandale permanent à communier à une messe de “ralliés” et donc on peut le faire ponctuellement, tant qu’il n’y a pas eu de scandale (prêtre qui aurait louangé des hérésies du concile en sermon par exemple).
- Autre exemple : les vieux prêtres; La jeune génération l’a oublié, mais dans les années 70 et 80, ils étaient encore majoritaires, ces vieux prêtres qui ont été mis à l’écart de l’Église mais ont continué à dire la messe traditionnelle, contre la volonté de leur évêque. Viendrait-il à l’idée de quiconque (à part un esprit torturé de sédévac) de dire que si j’assistais en 1996 à une messe de l’abbé Sire (prêtre diocésain qui desservait La Rochelle en messe tradi pendant plusieurs décennies, jusque 2007 je crois), alors je montrais mon attachement au pape, car ce prêtre n’était pas officiellement excommunié comme la FSSPX ? Et que je devais donc plutôt rester chez moi, que d’assister à la messe de ce prêtre résistant ? Soyons sérieux !
- Autre sophisme : la messe est mauvaise, donc il ne faut pas y assister (encore cette idée de “la fin ne justifie pas les moyens”). Mais le jugement sur le bien ou le mal apporté par une messe ne peut pas se limiter à la personne du prêtre ou/et à son lien avec l’Église officielle. Cela reviendrait à dire, que dans cette crise, Dieu nous demande de savoir quel prêtre est assez saint ou pas et mérite que nous assistions à sa messe. A quel niveau de relation avec la hiérarchie officielle devient-on suspect ? des contacts ? des discussions doctrinales ? des projets d’accords ? des accords unilatéraux ? … autant de situations, autant de jugements possibles. Le pire c’est la phrase “bah Dieu trouvera bien d’autres moyens de vous donner des grâces, pas besoin des sacrements” : “Le bon Dieu te donnera des grâces autrement, ne serait-ce qu’en récompensant ta courageuse fidélité, ton attachement à la vérité.” C’est une vision complètement protestante dans laquelle on remplace l’Église par une sorte de relation directe avec Dieu, tout ça parce qu’on trouve que le prêtre n’est pas assez critique / indépendant de la hiérarchie de l’Église
Soyons clairs : Dieu ne nous demandera pas au seuil du paradis, à notre mort, qui était pape. Ni si le prêtre qui nous a confessé était soumis à un mauvais pape : “Ah dommage mon gars tu t’es confessé au mauvais prêtre, tu vas en enfer”. Soyons sérieux. Notre but, c’est de nous sanctifier. Se priver volontairement de sacrements sous prétexte que des prêtres ne sont pas assez saints ou que leur relation avec l’autorité romaine est trop ceci ou pas assez cela, ça n’a aucun sens.
Encore un autre exemple : du jour au lendemain, en quelques semaines, toutes les paroisses de France sont passées à la messe conciliaire, en Français. A quel moment le pape et la hiérarchie sont devenus infréquentables ? Lorsqu’ils ont entériné cette révolution de la foi et de la messe. Comment le curé du coin, qui disait la messe tridentine en 1965, est devenu à éviter en 1966 ? C’était bien la même personne pourtant. Cela prouve bien que la première chose à regarder, c’est la messe, et en deuxième la personne du prêtre. En 1965 à la paroisse du coin, on était comme aujourd’hui dans une paroisse “ralliée” : en forte suspicion que le prêtre prêche des hérésies, vigilant, mais, sauf scandale ou évidence de risque imminent pour la foi, sans excuse pour rater la messe tridentine du dimanche
Ce billet me tient d’autant plus à cœur, à cause de ce sophisme, je connais des gens qui ne vont plus à la messe de la FSSPX le dimanche parce qu’elle n’est pas assez “résistante / sédévac” (cochez la case). Quelle tristesse !
PS : il est rigolo de voir que le raisonnement de l’abbé Mérel, qu’il pensait futé en 2008 contre les ralliés, est maintenant retourné contre lui (avec raison) par les sédévacs. Cela montre bien que le raisonnement était faux. Maintenant, soyons honnêtes : celui qui va régulièrement à une messe ralliée, par convenance, met sa vie éternelle en danger.