Un blogueur a retrouvé un vieux livre de 1970, “Glaube und Zukunft”, édité en 1970 par la maison d’édition Kosel-Verlach de Munich, traduit en 1971 en Espagnol (“Fe y futuro”) puis réédité en Espagnol par Desclée de Brouwer.
Ce qui est intéressant c’est qu’en fait le pape actuel était déjà très lucide sur la crise de l’Église, alors en plein étalage :
“La crise du modernisme ne se réalisa pas complètement simplement parce qu’elle fut interrompue par les mesures prises par Pie X et par le changement de situation spirituelle après la première guerre mondiale ; la crise actuelle n’est que la reprise, différée pendant un long moment, de ce qui avait alors commencé.”
On ne peut pas dire mieux. Mais ce qui est étonnant c’est le texte suivant où on se rend compte que le futur pape voyait ce qui allait arriver 40 voire 50 plus tard. On y retrouve toujours cette ambivalence, cette contradiction entre de la tradition et une envie de changer l’Église. Que l’on constate que l’Église perd de son influence, soit. Mais ne jamais dire qu’on a confiance en Dieu pour établir son règne sur cette (la notion de Christ-Roi), c’est désespérant. Cette Église repliée sur elle-même et sans influence politique, ce n’est pas plaisant. Alors oui il faut sortir des années JP2 et de la médiatisation, ces années où l’Église s’est mise à faire du socialisme et de la politique-spectacle (ONU, JMJ, etc..) au lieu de rendre son culte à Dieu. Humilité oui, mais pas cette vision que décrite le Pape ! Dans tous les cas, on constate que son avis n’a pas changé depuis ce moment là.
Voici le texte de celui qui était à l’époque le simple prêtre Joseph Ratzinger. Je me suis permis de mettre en gras des passages frappants, et en rouge des passages qui par contre sont assez peu chrétiens dans leur formulation car ils véhiculent une perte assumée de la dimension universelle et missionnaire de l’Église :
Avançons d’une pas. Encore une fois, de la crise d’aujourd’hui surgira demain une Église qui aura beaucoup perdu. Elle sera devenue petite, elle aura à tout recommencer depuis le début. Elle ne pourra plus remplir bcp des édifices construits dans une conjoncture plus favorable. Elle perdra des adeptes, et avec eux beaucoup de ses privilèges dans la société. Elle se présentera d’une manière beaucoup plus intense que jusqu’à maintenant, comme la communauté du libre vouloir, à laquelle on ne peut accéder qu’à travers une décision. Comme petite communauté, elle demandera avec beaucoup plus de force à chacun de ses membres des initiatives. Certainement elle connaîtra aussi de nouvelles formes de ministère et ordonnera prêtres des chrétiens éprouvés qui continueront à exercer leur profession : dans beaucoup de communautés plus petites et dans des groupes sociaux homogènes, la pastorale s’exercera normalement de cette manière. À côté de ces formes, demeurera indispensable le prêtre consacré entièrement à l’exercice de son ministère comme jusqu’à maintenant. Mais dans ces changements qu’on peut supposer, l’Église rencontrera de nouveau et avec toute sa détermination, ce qui est essentiel pour elle, ce qui a toujours été son centre : la foi dans le Dieu trinitaire, en Jésus Christ, le Fils de Dieu fait homme, l’aide de l’Esprit Saint qui durera jusqu’à la fin. L’Église reconnaîtra de nouveau dans la foi et la prière son vrai centre et elle expérimentera de nouveau les sacrements comme célébration et non comme un problème de structure liturgique.
Ce sera une Église intériorisée, qui s’aspirera pas à un rôle politique et ne flirtera ni avec la gauche ni avec la droite. Cela sera difficile. En effet, le processus de cristallisation et la clarification lui coûtera aussi de précieuses forces. Elle deviendra pauvre, une Église des petits. Le processus sera encore plus difficile parce qu’elle devra éliminer aussi bien l’étroitesse de vue de type sectaire que le volontariat généreux. On peut prédire que tout cela demandera du temps. Le processus sera large et laborieux, comparable à ce chemin qui a conduit des faux progressismes, à la veille de la Révolution française – quand même parmi les évêques il était de mode de ridiculiser les dogmes et si souvent même de prétendre que l’existence de Dieu était tout sauf sûre[9] – jusqu’au renouveau du 19ème siècle. Mais après l’épreuve de ces divisions surgira, d’une Église intériorisée et simplifiée, une grande force, parce que les êtres humains seront indiciblement seuls dans un monde entièrement planifié. Ils expérimenteront, quand Dieu aura complètement disparu pour eux, leur absolue et horrible pauvreté. Et alors ils découvriront la petite communauté des croyants comme quelque chose de totalement nouveau. Christ une espérance importante pour eux, comme une réponse qu’ils ont longtemps cherchée à tâtons. Il me paraît certain, à moi, que l’Église doit s’attendre à des temps bien difficiles. Sa véritable crise a aujourd’hui à peine commencé. Il faut compter sur de fortes secousses. Mais je suis aussi totalement certain de ce qui demeurera à la fin : non l’Église d’un culte politique, qui a déjà échoué avec Gobel, mais bien l’Église de la foi. Certainement elle ne sera plus jamais la force dominante dans la société, dans la mesure où elle l’a été jusqu’il y a peu. Mais elle fleurira de nouveau et se fera visible pour les êtres humains comme la patrie qui leur donne vie et espérance au-delà de la mort.
Source : http://relaisdelatouques.over-blog.com/article-sous-quel-aspect-se-presentera-l-eglise-en-l-an-2000-joseph-ratzinger-en-1970-58703335.html – merci à lui pour la traduction