Dans le métro, leurs véritables intentions commencent à poindre. Lorsque des voyageurs pénètrent dans le wagon, quelques-uns crient : “Il y a de l’argent qui entre.” Ils prennent à partie, sans violence, deux adultes qui ressemblent, à leurs yeux, à des flics. Ils rigolent en constatant que des voyageurs n’osent pas entrer dans leur wagon. Ils font peur et s’en délectent. Ce qui ne les empêche pas de faire de l’humour : “Attention aux pickpockets”, dit l’un d’eux ; “C’est encore des Noirs et des Arabes qui foutent le bordel”, crie en autre. Eclat de rire général dans la bande, composée majoritairement de Noirs, d’une minorité de Maghrébins et de quelques Blancs.
La bonne humeur n’exclut pas la préparation. Les premiers sont arrivés au départ de la ligne de métro, à Bobigny, au moins une heure avant le départ du groupe. Par téléphone, ils n’ont cessé de se renseigner sur l’arrivée des retardataires, attendant d’être au complet pour partir pour Paris. Presque tous ont revêtu l’uniforme “caillera”, racaille, – survêtement à capuche, gants, sac à dos – pour pouvoir se dissimuler et courir vite. Quelques-uns, plus prévoyants encore, ont apporté dans leur sac de quoi se changer en route et échapper ainsi aux repérages (photo et vidéo, notamment) des forces de l’ordre.
Après une heure de violences continues dirigées contre des manifestants blancs mais aussi, à deux reprises, d’origine maghrébine, ils se lassent. Certains proposent alors de chercher à s’en prendre à des “Schmidt”, les policiers, mais ceux-ci paraissent trop bien protégés. Avant d’arriver sur l’esplanade des Invalides, ils décident de s’intéresser aux commerces. “Faut se faire un magasin et se faire la caisse”, propose un des garçons.
On ne saura pas s’ils sont passés à l’acte, certains nous ayant vivement demandé de “dégager”. On apercevra cependant des membres du groupe encore actifs, esplanade des Invalides, jusqu’à la dispersion finale. Combien ont été arrêtés par la police ? Impossible de le savoir. La semaine précédente, une dizaine d’entre eux avaient été interpellés par les forces de l’ordre pendant ou après la manifestation.